Aujourd'hui. Je me transforme en tuyau. Comme

Aujourd'hui. Je me transforme en tuyau. Comme c'est étrange. Je n'observe plus sur moi les mêmes vexations ou irritations qu'autrefois. Les choses passent le long de mes mains et à travers mes yeux, glissent sans laisser de dépôt visqueux, de traces récentes de vie. Je ne sais plus me plaindre comme avant, vociférer ou cracher. J'accepte encore difficilement, mais j'accepte. La brillance de mon regard est derrière moi. Je la retrouve uniquement au moment des apéritifs, puis elle se voile et fait place à l'égarement.

Hier. Quand j'ai pénétré dans la salle, il n'existait plus cette timidité de l'esseulé que je portais fréquemment avant. Pendant que des centaines de personnes vivaient leur cafard du dimanche soir bien mérité, je me frayais un parcours efficace dans la foule en vue d'obtenir une position stratégique. Des faces connues s'activaient tout autour, mais je n'y prêtais aucune attention. Venu seul et sachat que je sortirai seul, en ayant le plus possible éviter d'ouvrir la bouche. En fait, on aurait pu me voir comme un fantôme. Cependant un fantôme souriant. Je me laissais emporter par l'agitation scénique et communicative. Tout le monde ici semblait se contenter sympathiquement de la soirée. Certains enchaînaient verre sur verre, d'autres dansaient ou du moins se déhanchaient, quelques têtes tentaient de se décrocher de leur cou, quelques mains cassaient les particules constituvives de l'air. Une personne, brune et mignonne à croquer, me passa le bonsoir. Je crois que je l'avais quitté la veille complètement saoul. Les banalités échangées en étaient-elles vraiment ? Je repensais à ce besoin de croiser des gens lorsque vous entrez dans un tel lieu, il ne me concernait pas.