Parallélisme bestial
Le lionceau en cage, né grâce aux soins d'un vétérinaire occidental et né loin de ses terres naturelles, a un emploi du temps à peu près caricatural. Il dort souvent. Il tourne jusqu'au point de se déboussoler et s'arrête bêtement. Puis se pose. Il attend que quelque chose arrive et réveille son attention sur l'anodin (un oiseau, un bruit au loin, une odeur qui se rapproche). Il mange et aime digérer allongé, à moitié endormi. Il fait aussi le pitre sans se trouver drôle, il montre aussi les crocs. Parfois, il est forcé de s'accoupler pour un résultat qu'il ne maîtrisera pas tout à fait. Il attend que sa crinière pousse et vieillisse, mais cela ne changera au final rien du tout. Le problème vient de sa cage.
Je dors souvent pour éviter de remuer toute cette poussière qui m'entoure. Je tourne en rond depuis longtemps sans rien comprendre de l'amour, donc je me pose observant les saisons qui s'accélèrent, les enfants qui grandissent, les dossiers qui se remplissent, les rencontres qui se déclenchent mal. Je mange peu, mais j'aime digérer allongé sur mon lit en désintégrant une cigarette. Je sais faire le clown et j'évacue une violence intérieure par nécessité. Parfois, je suis obligé d'entretenir une libido qui ne mène plus à grand chose. J'attends que "la crinière pousse au lionceau". Parce que j'ai égaré la clef de ma propre cage.
...
Mais ressentir au moins le néant et le séisme en soi et à l'extérieur, c'est une preuve de vie irréfutable qu'il faut considérer.