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dE tRAVERS
31 décembre 2020

I know

          Vivant, revenant parmi les vivants, je me pare des meilleurs sourires qui m'ont fondé lorsque j'errais seul ou avec mon frère sur les plages de sable gris clair de Kersidan et lorsque je m'endormais veillé par les visages géométriques qui figuraient sur la tapisserie psychédélique de la chambre du fond. Je charge mes batteries des kilomètres avalés sur la route de Tan-Tan et des grains de sable qui ornaient les recoins de mon pare-brise. Je sèche les larmes qui colonisent mes rides sous-jacentes ravalant alors ma frayeur de comprendre que tout se finit seul même doté d'un entourage bienveillant. Je visualise l'incroyable et insondable angoisse de mon père qui, dans une ligne parfaite de contre-temps et de cognements, meut sa mort chaque jour avec un levier fait de deux fils, deux filles et trois enfants. D'un bois encore frais mais qui sèche aussi comme les larmes. On apprend à payer le prix d'avancer quand on aime autant qu'il faut les égarements d'un gamin de cinq ans et demi.

Les villes qui ne seront jamais parcourues, et les destinations rêvées jamais atteintes, ne sont finalement pas si lourdes à porter. Les peaux inatteignables des sillons féminins deviennent flous et les soifs de s'y vautrer pour le moins meilleur et le moins pire fondent. Les bouquets de fleurs de saison inondent l'esprit. Les vieux clichés en noir et blanc prennent place dans le puzzle de l'année. L'année, justement, elle se brise en deux ou trois coups de soleil et de froid sans demander son reste. Les relations sans qu'on sourcille parce qu'on les croit profondes se classent. La vie prend la forme d'un tirefond. La vie prend la forme d'un tirefond et on peut espérer qu'à force de le croire, elle finira élimée mais sublimée.

Dans une danse qui ne regarde que moi, je décide de prolonger mon observation des choses qui m'environnent. Si je me détache des amis lointains, et des amis si proche, si je me fais virer de mon bureau qui donne sur la mer, si je perds encore mon enfance à chaque fois que je vois mon père. Si mon fils s'ouvre le front jusqu'au sang et souffre le martyr. Si mon épouse jouit de plus en plus difficilement dans mes bras bien que possédant mon pénis. Si je ne comprends pas pourquoi j'arrive enfin à m'entendre avec la lâcheté et la souplesse. Si je peux finalement danser devant les autres... Et caetera.

Alors, oh oui alors, je deviens la plus belle ressource pour moi-même, car détaché de mes sentiments, détaché de mes envies et impressions que crééaient les coups de hanche entre des lettres incomprises. Je peux hocher simplement la tête, cligner des yeux et cracher, bouche tiède, sur mes ambitions frimeuses et mes destins fantasmés. Je peux râcler mon âme vu ce qu'il reste, et la froisser jusqu'au sang, et la saigner pour qu'elle n'existe plus jamais que dans des albums gagnés sur un incendie d'immeuble banal.

Plus la vie défile et plus l'assourdissante raison tonne. Plus vous défiez les choses et plus vous souffrez du reste.

 

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